Le Sahara n'a pas toujours été un désert ponctué de rares oasis reliées par des pistes que ronge le vent de sable. Les fossiles et les peintures rupestres le montrent giboyeux et habité, les légendes mentionnent d'autres oasis et, dans ses Histoires écrites cinq siècles avant notre ère, Hérodote, le grand voyageur grec, parle des Garamantes dont les chars roulaient vers le Soudan pour y chercher or et esclaves. C'est la route des Garamantes et la troisième oasis des légendes que l'ethnologue Lignac espère découvrir en allant explorer le Ténéré.
Le chef de la Compagnie saharienne locale à qui il a demandé une escorte lui adjoint le lieutenant Beaufort qui aura, en outre, la mission secrète d'arrêter le Targui Akou, assassin d'un officier. Beaufort choisit comme second le maréchal des logis-chef Franchi, s'attirant ainsi la haine de Tamara la Targuia qui va chercher auprès d'Akou un allié pour se venger. Menace latente qui pèse de plus en plus sur le sort de l'expédition. Comment Beaufort surmonte ses difficultés de « boujadi », comment Lignac réalise son rêve et Tamara le sien, c'est le ressort dramatique d'un récit qui explique avec précision la vie au Sahara et qui traduit admirablement la grandeur sauvage et austère de ces déserts de pierre et de sable où l'homme reprend ses vraies dimensions.
Les clichés du voyage
Roger Frison-Roche
Une vie à la gravir, et une vie à l’écrire. Le riche parcours de l’écrivain et alpiniste Roger Frison-Roche doit tout à la montagne, et la presse l’a accompagné dès le début de ses aventures entre les sommets. On retrouve ainsi sa trace dès le 5 septembre 1931, dans L’Excelsior. Frison-Roche a 25 ans : cela fait des années qu’il entretient une passion pour le Mont-Blanc, ayant entrepris son ascension à quinze ans avec son père.
Né dans une famille de bistrotiers parisiens originaires de Savoie, il s’installe à Chamonix à 17 ans, accompagne, comme porteur, l’alpiniste Joseph Ravanel (renommé «Ravanat» dans Premier de cordée) en 1925, devient directeur du syndicat d’initiatives et du comité des sports d’hiver de Chamonix, avant d’intégrer le cercle très fermé de la Compagnie des guides de Chamonix en 1930, devenant ainsi le premier «étranger» (c’est-à-dire non originaire de Chamonix) à en faire partie. Pas le dernier de ses exploits.
En 1931 donc, le guide Frison-Roche fait partie d’une «caravane»comme le relate l’Excelsior chargée de «relier radiotéléphoniquement le sommet du mont Blanc avec l’ensemble du monde».
«Malgré le mauvais temps, l’émission radiophonique à 3 050 mètres d’altitude dans les Alpes a pu avoir lieu», titre dans un entrefiletl’Excelsior du 6 septembre 1931. Le sommet du Mont-Blanc n’a pas été atteint par l’équipée : «Devant l’impossibilité d’accomplir leur mission sans courir des dangers très grands, même en attendant au lendemain, les guides se sont décidés à faire une courte émission à 3 050 mètres en donnant les péripéties de leur ascension et des détails sur le temps.» Avant de redescendre à Chamonix dans l’après-midi. Frison-Roche, à l’époque correspondant du Petit Dauphiné, sera tout de même reporter pour la première émission radiophonique au sommet du Mont-Blanc, l’année suivante, en 1932.
Le «vainqueur du Hoggar»
En 1935, Frison-Roche fait partie de l’expédition alpine française dans le massif montagneux du Hoggar au Sahara, en compagnie du capitaine Coche. Le quotidien de l’actualité des spectacles Comœdia relate l’inauguration de l’exposition alpine au retour de cette expédition. «Cette exposition réunit tous les souvenirs rapportés par le capitaine Coche, du 6e bataillon de chasseurs alpins, de son exploration des plus importantes cimes vierges du Hoggar et du Sahara central, dont plusieurs atteignent 3 000 mètres.»
Un article de l’Excelsior du 5 mars 1936 sur les guides de Chamonix («Sauveteurs, champions, explorateurs») met à l’honneur le jeune Frison-Roche, «l’un des plus populaires, Parisien déraciné et maintenant Chamoniard 100 %», en toute fin d’article. «Sportif intrépide, journaliste de talent, il fit partie l’an dernier d’une mission au Hoggar. Il vainquit ainsi la “Garret”, le mont des Génies, qui inspirait aux indigènes une crainte superstitieuse. Cet exploit, répercuté dans le désert par l’écho des sables, a fait là-bas de “Frison” un personnage légendaire : c’est le “Mouflon aux yeux d’or” vainqueur des “djinns”.»
«Le vainqueur du Hoggar», comme l’appelle la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz du 23 février 1937, est accueilli à Bayonne en héros pour parler de son exploit au foyer du théâtre local, invité par le Ski-club basque. «Le premier alpiniste français en même temps qu’un explorateur audacieux», le qualifie le journal, vantant les mérites de celui «qui a réalisé un exploit devant lequel avaient échoué deux expéditions suisse et allemande».
Après l’écriture de L’appel du Hoggar, sorti en 1937, Frison-Roche le présente lors de diverses conférences, comme celle racontée dans l’Echo d’Alger du 28 avril 1939. L’écrivain est installé à Alger avec sa famille depuis 1938, et a été embauché comme journaliste à la Dépêche algérienne. Le compte-rendu mentionne les aventures décrites par Frison-Roche, «l’arrivée à Alger, les péripéties du voyage jusqu’au Hoggar, le concours si précieux des Targuis de l’Amenokal, leur crainte et leur arrêt devant le mont des génies, les légendes inspiratrices de tant de romans, les exploits des alpinistes dans les affres du soleil et de la soif».
Le néo-Algérois écrit dans le même temps pour le Petit journal une chronique sur les guides de montagne. «Entièrement recouverts d’une cagoule de glace : deux fantômes nous regardent», retrouve-t-on ainsi dans une édition du 28 août 1938.
«Premier de cordée», un sommet
C’est durant ces années à Alger que Frison-Roche entreprend l’écriture de Premier de cordée. L’ouvrage, un sommet de la littérature alpine, sortira en 1941, d’abord sous forme de feuilleton dans la Dépêche algérienne. Le Petit Marseillais du 30 octobre de cette année-là livre une critique ambivalente à son égard : «Un livre d’une tonicité et d’une noblesse peu courantes», «riche de beautés», et en même temps «ce qui empêche ce livre saisissant d’être un grand livre (car il n’y manquait rien, même l’exceptionnelle majesté du cadre), c’est de ne pas avoir ménagé un intérêt grandissant. La première partie du livre nous a fait atteindre à une hauteur d’émotion qu’on ne retrouve plus que 150 pages plus loin, tout à fait à la fin d’un ouvrage un peu trop copieux». Premier de cordée sera tout de même un best-seller, vendu à plus de 3 millions d’exemplaires.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, alors qu’il est correspondant de guerre aux côtés des Alliés sur le front de Tunisie, paraît dans le Petit Journal un article sur un tout autre sujet : ses souvenirs de compétitions sportives. «Un métier de chien, reportages mouvementés de naguère aux sports d’hiver» est titrée cette pleine plage dans laquelle Frison-Roche raconte en détail, à la première personne, ses mémoires de reporter sportif.
L’écrivain entamera par la suite une carrière de cinéaste et de conférencier, comme on en retrouve la trace dans l’édition du Paris-presse, L’Intransigeant du 29 novembre 1952. Il est venu présenter à la salle Pleyel Sur les traces de premier de cordée, film en couleurs non sonorisé qu’il a réalisé. «Frison-Roche le commente lui-même au micro pendant la projection selon sa formule du “film-conférence”. Il partira ensuite pour une tournée de 300 représentations en France.»
Suite et fin de l’histoire. Dans les années 60, quinquagénaire, Frison-Roche s’intéressera au Grand Nord, avec plusieurs expéditions en Laponie ou au Canada. Il publiera des livres jusque dans les années 80, notamment les Montagnards de la nuit (1968), sur la résistance française en Savoie durant la Deuxième Guerre mondiale, ainsi que son autobiographie, le Versant du soleil, sortie en 1981. Après avoir grimpé, écrit, raconté, exploré, montré, Roger Frison-Roche s’éteint le 17 décembre 1999 à Chamonix, à 93 ans.